MANIFESTO
MANIFESTO
« Depuis 2015, par le biais du projet Comme Un Roman-Photo, j’élabore une manière d’archiver les réflexions autour du processus créatif.»
— Lia Rochas-Pàris
Les conversations avec mes contemporain.e.s ont toujours nourrie mes réflexions. L’Autre nous révèle à nous-même. Certaines phrases font échos et nous éclairent sur notre propre démarche créative. Garder en mémoire certaines conversations dont les phrases continuent de résonner lorsque je me retrouvais seule ne me suffisait pas. Il fallait que je garde une trace de ces échanges. Dans ma pratique, tout est collage. Le roman-photo est un collage, une composition entre divers éléments qui se lient les uns aux autres.
Emmanuel Alloa analyse l’image en la ramenant vers le sens premier du Logos à savoir le «Legein», la ligature, le lien. Le roman-photo, tel que je le conçois, incluant le texte au sein de la photographie comme partie intégrante à l’entité visuelle, revient à cette idée de lien entre deux systèmes de signes. Les mots se superposent à la photographie laissant ainsi surgir une nouvelle sémiologie de l’image.
On pourrait également revenir à la notion de Logos en tant que temporalité, afin de souligner l’intention de figer un instant, de capturer le temps de l’interaction. En effet, ce qui m’anime depuis que je réalise des romans-photos, c’est l’idée d’archiver, de garder une trace d’un instant partagé tant par la présence que par les idées qui se dégagent d’une conversation. Le dialogue supposant deux entités, ouvrent ainsi d’autres perspectives.
Dans le cadre de ce dispositif narratif, les entretiens Comme Un Roman-Photo font surgir les mots comme une mise en voix des conversations, alors que les photographies attestent de la présence physique et gestuelle durant le temps des conversations.
Le mouvement se manifeste au sein même de l’image autant que dans la succession de photographies et la succession de phrases juxtaposées. Le langage corporel capturé par l’objectif se mêle aux mots. Les photographies laissent apparaitre quelques variations gestuelles alors que les phrases varient tant par leur message que par les mots employés. Deux parallèles qui finissent par fusionner. Ainsi, les mots ne légendent pas l’image, les mots contribuent à une nouvelle lecture de l’image.
L’artifice que suppose le dispositif même du roman-photo se retrouve non en opposition mais en complémentarité à la façon de retranscrire des conversations orales par écrit. De ma pratique du collage et photo-montage pour laquelle je pars en quête de matières, je collecte des éléments pour les assembler les uns aux autres, le processus reste le même. Capter des phrases, les découper, en extraire une partie sans perdre l’essence du message dans son intégralité.
Par une approche non journalistique des entretiens, les échanges prennent des tournures spontanées, le fil des pensées de chacun.e.s ouvrent des pistes de réflexions non préméditées. Les voix se laissent entendre à travers les textes qui s’inscrivent au sein des phylactères, le ton de l’oralité reste intacte, ou presque, permettant ainsi de retrouver l’intimité de la conversation. Questionner l’Autre afin de se questionner moi-même. Au fil du temps, ma démarche a évolué au gré des rencontres, souvent hasardeuses, parfois provoquées."
Comme une grande toile d’araignée, certaines rencontres se tissent les unes aux autres, sans préméditation, certaines réflexions trouvent une suite, une ouverture, par le biais d’une nouvelle rencontre à la façon d’un cadavre exquis qui loin de tendre vers l’absurde tendent vers d’autres champs de réflexions. Par le biais du projet Comme Un Roman-Photo, j’élabore une manière d’archiver les conversations autour du processus créatif, des Parties Prises.
À PROPOS DE LIA ROCHAS-PÀRIS
Artiste pluridisciplinaire, Lia compose avec les éléments à travers divers médiums : Collages, photographies, photomontages, installations, vidéos, poésies, romans-photos.
Sa démarche repose sur le constat que tout est collage, Lia considère chaque création comme les pièces d’un vaste puzzle. Elle explore les matériaux qu’elle considère comme les vestiges d’une époque avec la volonté d’archiver la mémoire et d’élaborer une archéologie personnelle. En parallèle de sa pratique artistique, elle mène des projets en tant que directrice artistique et éditoriale ainsi que curatoriale : Shelves Project, Parties Prises Studio, Zeitlos Zimmer & Comme Un Roman-Photo.
À travers Comme Un roman-Photo, Lia Rochas-Pàris prolonge ses réflexions autour du processus créatif, de la matérialité des images et des différentes formes d’archivages en partant du postulat que le Cloud pourrait s’évaporer. Face à l’hyperactivité de notre époque, l’aspect formel du roman-photo alliant texte et image lui apparait comme une évidence. Son attrait pour le roman-photo a commencé en 2010 avec Vasistas, une auto-photo-fiction sur plusieurs épisodes, vitrine d’une jeunesse parisienne. C’est à partir de 2015 qu’elle a commencé à mener des entretiens Comme Un Roman-Photo avec des personnalités de la culture et de la création comme Olivier Mosset, Yvon Lambert, Marie Robert, Guy Yanaï, Diane Pernet etc.
Un premier volume Comme Un Roman-photo a été édité avec Parties Prises éditions, présentant une vingtaine d'entretiens avec des artistes, designers, écrivains, collectionneurs, éditeurs, galeristes... Le lancement du livre avait eu lieu à la librairie Yvon Lambert en décembre 2019.
On a pu remarquer certaines de ses collaborations (projets éditoriaux, scénographiques, graphiques), toujours en accord avec son esthétique et ses valeurs, avec Gucci, John Lobb, Dammann Frères, Mobilier Drucker, Simone Pérèle, Pinton 1867, RUS, Wise Women… Ses œuvres font parties de collections privées et ont été acquises par des hôtels comme Les sources de Caudalie, l’hôtel de Fiac, l’hôtel La Dame des Arts et le groupe New hôtel. Son travail a fait l’objet de plusieurs expositions personnelles et collectives à Paris, Arles, Amsterdam, Osaka et New-York.