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ALI AKBAR

Vendeur de journaux à la criée

Dernier vendeur à la criée de Paris, Ali arpente à vélo les rues de Saint-Germain-des-Prés depuis près de cinquante ans, Brandissant un exemplaire du Monde, il lance son légendaire « Ça y est, ça y est ! », toujours suivi d’un trait d’esprit qui n’appartient qu’à lui. Depuis les années 70, où il vendait Charlie Hebdo et Hara-Kiri, jusqu’à aujourd’hui avec Le Monde – et parfois Le Figaro – il reste fidèle au poste, qu’il pleuve ou qu’il vente, allant de terrasse en terrasse avec son éternel sourire. Et même si les ventes de journaux papiers sont en chute libre, Ali reste fidèle à lui-même, toujours de bonne humeur.

Personnage haut en couleur et véritable emblème du quartier, Ali a aussi publié trois ouvrages : Je fais rire le monde… mais le monde me fait pleurer, La fabuleuse histoire du vendeur de journaux illustré par Wolinski, Cabu, Willem et Plantu, et dernièrement un conte illustré, L’enfant et le buffle.

Aujourd’hui, cette figure emblématique de la capitale s’apprête à recevoir la Légion d’honneur des mains d’Emmanuel Macron, une reconnaissance amplement méritée pour un parcours hors du commun.

Avec Ali, nous nous sommes retrouvés au café de la Mairie puis sur les marches de l’église Saint Sulpice où nous avons parlé de son parcours, de sa rencontre avec le professeur Choron, de la disparition progressive des journaux, de l’importance des liens humains.

Entre autres.


Lia : Je me souviens de toi depuis mon enfance, quand je venais au café de la Mairie ou à la Palette avec mon père. Depuis combien de temps vends-tu les journaux à la criée ?

Ali : J’ai commencé à vendre des journaux en janvier 1973 !

Lia : Tu es d’origine pakistanaise. Qu’est-ce qui t’a amené à Paris ?

Ali : Je suis né au Pakistan et j’ai grandi à Delhi. Ma mère avait onze enfants, dont deux qu’elle avait adoptés. Mon père était méchant… mais c’était mon père. Comme j’étais l’aîné, je devais trouver un moyen d’aider ma mère. J’ai décidé de partir.
Quand je suis arrivé en France, mon but n’était pas de devenir riche, mais de gagner juste assez pour vivre… et envoyer de l’argent à ma mère.

Lia : Simplement en vendant des journaux ?

Ali : Ah non, pas seulement ! J’ai eu plein de petits boulots avant de vendre des journaux. Mais vendre les journaux, ça me rend libre. Quand on travaille en équipe, il y a toujours un ou deux cons pour vous embêter… Pour moi, l’argent, ce n’est pas important : c’est de la poussière.

Lia : Pourquoi avoir choisi le quartier de Saint-Germain ?

Ali : Par pur hasard ! Après un passage à Rouen, je suis arrivé à Paris en 1970. Je ne parlais pas un mot de français. Et en plus, je suis basané… ce n’était pas facile. Au début, on ne m’acceptait pas dans les restaurants. Mais maintenant, tout le monde me connaît !
J’ai commencé du côté de Saint-Michel. Là, j’ai découvert Sciences Po, j’y ai rencontré des jeunes brillants… et le professeur Choron. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à vendre Charlie Hebdo et Hara-Kiri.

Lia : Hara-Kiri, avec ses romans-photos satiriques ! En cinquante ans de carrière, tu as dû voir chuter les ventes de journaux papier…

Ali : Ah oui… le papier, c’est fini ! Dans les années 70, on était une quarantaine de vendeurs à la criée, tu imagines ? Aujourd’hui, je suis le seul. Avec les réseaux sociaux, c’est devenu compliqué. Les jeunes ne comprennent pas : ce n’est pas ça, la vraie vie. Mais moi, je continue à vendre… parce que les gens me connaissent.

Lia : L’importance des rencontres, des liens humains ! Ta vie a été marquée par des périodes douloureuses, et pourtant tu restes optimiste.

Ali : Oui. C’est important d’être bien entouré. De gens honnêtes, plein d’humanité. Je n’ai pas toujours fait de bonnes rencontres… mais avec le temps, j’ai appris à prendre de la distance avec certaines personnes.

Lia : Trois livres racontent ton histoire. Tu peux m’en parler ?

Ali : Oui. Les deux premiers racontent ma vie, mon parcours… avec des dessins de Wolinski, Cabu, Willem et Plantu. Et le troisième, c’est un conte pour enfants. Une version illustrée de mon histoire, avec les dessins d’un ami de mon fils.

Lia : Où peut-on acheter ces livres ?

Ali : Dans mon sac… sur mon vélo !

Pour en savoir plus sur Ali et le soutenir, n’hésitez pas à lui acheter ses livres !

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