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CLAUDIA ROCHAS-PÁRIS

Danseuse.

Danseuse contemporaine, mère, grand-mère, belle-mère, Claudia - à prononcer ClaOdia - est une vraie lionne, un être solaire.

Avec sa voix grave, son accent indéfinissable qui en déroute plus d’un.e, Claudia est aussi la reine des jeux de mots involontaires, toujours énoncés avec sérieux - certaines pépites sont devenues incontournables comme : “Il faut savoir arrondir les ongles” ou “prendre son mal en passion”.

Depuis notre précédente conversation Comme un Roman-Photo en 2019, beaucoup de choses ont changé alors que son optimisme est quasi resté intacte…

Nous nous sommes baladées sur la dalle des Olympiades dans le 13e arrondissement de Paris, où nous avons évoqué le deuil, la famille que l’on choisi, le voyage statique, la danse, la métamorphose, les rides et le temps qui passe ... 

Entre autres.


Lia : Lors de notre dernière conversation Comme Un Roman-photo, nous avions évoqué le deuil de dada. Depuis, le temps a coulé et beaucoup de choses ont changé. 

Claudia : Oh oui… Comme je l’ai toujours pensé, le deuil est comme une navigation sans boussole. On ignore la destination de cet état alors on traverse les épreuves, on surfe sur les vagues. Le deuil fait partie de la vie. 

Lia : Mais l’absence d’un être cher reste douloureux, même si la tristesse diminue avec le temps. 

Claudia : Les personnes que l’on a aimé et qui ne sont plus de ce monde restent présents, les souvenirs nous accompagnent et il y a toujours des signes pour qui veut les voir…

Lia : Avec Dada vous étiez comme des enfants capables de vous émerveiller de petits riens. Et vous aviez cette passion commune pour le cirque. 

Claudia : Oui, nous avons vécu mille et une vies sans jamais savoir ce que l’avenir allait nous réserver, nous avions confiance en la vie. Dans les années 70, tout semblait possible, nous avions des possibilités à 360 degrés. Comme sous un chapiteau avec les espiègleries de clown, l‘acrobatie et la jonglerie. Parfois comme des funambules sans filet. Nous ne connaissions pas l’ennui. Pour être avec un artiste comme lui, il ne fallait pas avoir trop d’égo et faire preuve de patience. 

Lia : Grâce à la maladie et au deuil, on devient résilient et plus empathique, on réalise qu’on ignore ce que les personnes traversent derrière les façades. 

Claudia : Oui, il ne faut pas se fier aux apparences, on n’est pas obligé de tout dévoiler. Sans le savoir, on croise tous les jours des anonymes héroïques entre ceux qui font face aux malheurs et ceux qui aident. Depuis le décès de ton père, beaucoup de choses se sont passées, le covid, les guerres… Je pense qu’il n’aurait pas supporté d‘être témoin de tout ça. 

Lia : Oui, et pourtant il avait vu venir beaucoup de choses que l’on vit aujourd’hui. Je me souviens quand il faisait souvent allusion aux « autistes bavards », on vit une cacophonie sur les réseaux qui laissent peu de place aux échanges nuancés. Ça me manque d’échanger avec lui. En plein contexte apocalyptique, c’est difficile de trouver une légitimité à la création depuis quelques temps…

Claudia : Babel 2.0. Face à toutes les horreurs desquelles nous sommes témoins à travers les écrans, j’ai l’impression de devoir faire le deuil d’un monde. Mais il y a une raison de notre présence sur terre et la période que nous traversons est sans doute liée à une révélation. La création est essentielle, l’art permet de voir d’autres perspectives et d’offrir un ancrage. Tout comme les liens humains, les amis, les voisins, les inconnus. Comme on le disait, on ne sait jamais ce que les autres vivent, alors essayons d’être le plus bienveillant possible avec les personnes que l’on croise. Un chant d’oiseau, un simple sourire peut égayer une journée. 

Lia : Et des oiseaux, il y en a beaucoup dans le 13 !

Claudia : Geais, pies, moineaux, pigeons ramiers, grives, mouettes, corneilles, mésanges... 

Lia : Sur fond de chant d'oiseaux, tu aimes observer les nuages en mouvements permanents !

Claudia : Absolument, je ne m’en lasse pas. Je voyage très rarement, enfin, je m’évade en regardant le ciel, en écoutant les oiseaux, en regardant la grande librairie et en retrouvant des amis pour les apéros ! 

Lia : On peut dire que ton bilan carbone est exemplaire ! En plus d’être extrêmement écologique dans ta manière de faire du trie, de ne consommer que le strict minimum… 

Claudia : J’ai grandi en Suisse, ça m’a toujours semblé naturel de consommer raisonnablement, de faire du trie etc. Quand je suis arrivée à Paris où nous nous sommes installés avec ton père, je n’ai pas changé mes habitudes helvétiques, en tout cas, pas à ce niveau. Aujourd’hui, ça fait plus d’années que je vis à Paris que je n’ai vécu en Suisse. C’est toujours étrange de réaliser ça, même si je garde profondément en moi la notion de Heimat, Paris est devenu mon pays. 

Lia : Oui, moi aussi. Toi en quittant la Suisse, et Dada le Portugal, vous vous êtes constitué une famille d’ami.e.s. Vous m’avez transmis ça, l’idée qu’on peut choisir sa famille. 

Claudia : C’est précieux de savoir bien s’entourer, d’avoir des amis fidèles avec qui partager les joies et les peines. 

Lia : Depuis 8 ans, vivre en gynécée avec Liv et toi, c’est une chance. 

Claudia : Sans oublier les chats !

Lia : Oui (rires) Trois générations dans le même bâtiment, avec les amis de chacune, c’est devenu une communauté multi-générationnelle et pleine de vie… Et aujourd’hui, on célèbre ton anniversaire, 69 ans !

Claudia : Pour moi, chaque jour est un anniversaire, un nouveau jour que la vie nous offre ! Pour moi, il n’y aura jamais une journée totalement sombre, grâce à une éclaircie aussi infime soit-elle. La vie est un éternel renouvellement. Comme en danse, il faut avoir confiance dans ses mouvements, les gestes qui tendent vers l’harmonie. J’ai de la chance de toujours me réveiller de bonne humeur, sans doute parce que je ne sais pas ce que la vie me réserve et que je la laisse me surprendre.

Lia ; Peut-être parce que tu ne rêves pas !

Claudia : C’est vrai, je ne me souviens jamais de mes rêves. 

Lia : Mais tu danses avec la vie…

Claudia : Disons que la danse m’accompagne dans les moindres gestes du quotidien. J’ai été marqué par l’eutonie, l’eurythmie et les instruments de Carl Orff. Ça m’a appris à garder le rythme et le mouvement, de savoir chuter et rebondir, d’accepter l’ombre autant que la lumière.

Lia : Tu as toujours accepté le temps qui passe, l’âge ne te fait pas peur, tu as accepté les cheveux blancs, les rides d’expressions et les rides de l’âge sans sourciller. 

Claudia : Le temps qui passe ne m’impressionne pas. J’aime les saisons et ce qu’elles présentent comme métamorphoses…

Lia : En parlant de métamorphose, il y a quelques années, pendant le deuil, tu te sentais comme une chenille. Et aujourd’hui ? 

Claudia : Parfois comme un papillon, parfois encore comme une chenille. 

Lia : Il y a pile un an, Maroussia t’avait contactée pour participer à la performance « Dance for Joy » à la fondation Ricard. Ça faisait des années que tu n’avais pas dansé face à un public. 

Claudia : Oui, elle m’a sorti de ma zone de confort, elle m’a permise de franchir un nouveau cap. Évidemment, j’avais une appréhension quand elle m’avait contacté, mais très vite, je me suis sentie à l’aise, ça m’a fait du bien de rencontrer toutes ces personnes libres d’être ce qu’elles sont. Je reviens à l’idée du cirque et du clownesque, c’était sans trop de sérieux. Les répétitions étaient pleines de joie et la performance devant le public tout autant.

Lia : Une joie contagieuse, toutes les personnes du public vibraient et souriaient. On peut dire que Maroussia a ouvert une nouvelle porte, depuis, tu as été sollicité pour des shootings de mode, notamment pour Cortana, Dry ou encore avec l’IFM… 

Claudia : Les propositions arrivent sans que je ne cherche quoique ce soit. J’ai toujours une appréhension mais à chaque fois, je rencontre des êtres incroyables avec qui les énergies circulent. 


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