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FRANÇOIS CHAMPSAUR
architecte d’intérieur, designer
De la conception de mobiliers à l’architecture d’intérieur, François Champsaur est un esthète à l’affut de projets respectueux de la nature et de l’environnement, entre Paris, Marseille à Majorque.
Nous nous sommes retrouvés dans son cabanon à Marseille, un balcon sur la Méditerranée, où nous avons parlé des énergies marseillaises, d’ombres et de lumières, de la période bouleversante que nous traversons, des ressources de la nature et de confiance en l’univers.
Entre autres...















Lia : On se sent extrêmement bien ici ! Et cette vue imprenable. Quand mes amis Marseillais me disaient faire le plein d’oxygène, je ne réalisais pas à quel point c’est requinquant.
François : C’est surtout flagrant en hiver ! J’ai vu pas mal de gens qui collapsent en février à Paris, sous la nappe grise. Quand tu arrives ici, tu as le ciel bleu, la lumière éclatante, la mer, l’air pur, c’est assez extraordinaire en janvier, février. Marseille a sa folie aussi !
Lia : Un peu comme le mistral ! (Rire) C’est grâce au vent que le ciel est dégagé mais le mistral peut rendre fou.
François : Il n’ y a pas que le mistral qui rend fou, les marseillais peuvent te rendre fou ! Il y a un art à ne pas s’installer, à vivre dans l’urgence, où tout est très prononcé, la beauté est très prononcé, la noirceur aussi. Marseille est une ville qui peut te prendre beaucoup d’énergies mais qui a une force et une vitalité incroyable.
Lia : Personnellement, je n’avais pas été séduite la première fois que je suis venue à Marseille, tout me semblait plus intense, mes sens étaient en alerte. C’est au fil du temps, des rencontres que j’ai commencé à appréhender la ville dans sa complexité et à lui trouver son charme.
François : C’est sans doute mieux de commencer en voyant le côté obscur. Il y a eu pas mal de vagues de Parisiens qui ont tenté de s’installer à Marseille mais ils ont vite déchanté, Marseille ce n’est pas que le bleu du ciel à Malmousque, Marseille est pleine de paradoxes. Il ne faut jamais trop attendre de Marseille. Moi, je vais où le vent me mène ! Soit ici, soit à Paris, soit en Espagne.
Lia : Oh, où donc en Espagne ?
François : J’ai monté un projet personnel depuis presque dix ans à Majorque. J’ai acheté une toute petite maison que je rénove, c’est un projet 100 pour 100 écologique et local. On est dans un monde en pleine évolution, on fabrique des maisons, des objets, on transforme la matière, on a une responsabilité quand on produit sans détruire la planète, et il faut prendre sa part de responsabilité, c’est une conscience écologique qui s’applique à ce métier. Avec cette maison, je réfléchis et j’expérimente aussi autour de l’énergie, de la matière et de la relation avec la nature. Tu t’aperçois que tous les matériaux ont leur propre énergie, et ont une résonance entre entre, c’est passionnant, c’est sans fin ! Quand tu vis dans une maison totalement organique et naturelle , tu respires, tu te régénères, ça change tout. Je vais bientôt montrer tout ce travail là.
Lia : Et ici, tu as cette vue incroyable sur la mer qui ajoute des mètres carrés !
François : C’est un balcon ouvert sur la Méditerranée, dans un quartier assez calme, même si ça peut aussi être agité.
Lia : Ici ?
François : Oui, cette semaine des gens ont décidé d’organiser des visites des petites ruelles en Quads ! (Rires) C’est la folie ! Et tu remarqueras qu’ici, toutes les motos font du bruit, les mecs changent les pots d’échappement !
Lia : Ça me rappelle les étés au Portugal. C’est une nuisance sonore typique du Sud (rires)
François : Faire ça maintenant, ça n’a aucun sens.On est des esthètes, on a besoin de vivre au milieu d’une certaine beauté, une certaine harmonie. il y a une relation entre la nature et la beauté qui est inhérente. Marseille, comme toutes les villes doit faire tôt ou tard sa révolution verte.
Lia : Comme tu le soulignes, tout dépend des moments, parfois on voit les choses qui ne nous plaisent pas forcément mais ça ne nous atteint pas, parfois on subit. Sans doute une question de sensibilité.
François : Oui et parfois, on s’habitue à des choses qu’on détestait au départ, ou on finit par comprendre certaines esthétiques et à les apprivoiser. J’étais parti de Marseille fin des années 80, à l’époque, j’étais aux beaux-arts et je faisais de la musique, de la batterie. On faisait des festivals, des concerts, c’était une période absolument géniale, fantastique, ça m’avait permis de sortir des beaux quartiers, je venais DU Roucas-Blancs. Je n’aimais pas la façon de penser des gens de ce quartier, je n’aime toujours pas d’ailleurs… Je m’échappais par la musique, ça m’avait permis de rencontrer des gens exceptionnels, il y avait une diversité culturelle, une vraie mixité. Mais il y avait aussi l’héroïne, qui revient d’ailleurs maintenant, alors moi, juste avec un Space cake, j’avais fini aux urgences, je savais que je ne pouvais pas prendre de drogues, avec le recul, c’est une chance. J’ai pas mal de potes qui sont morts d’overdoses ou du sida…
Lia : Oui… Et tout ce que ce la prod et les traffics impliquent, c’est l’horreur. Héro, coke, keta, qu’importe, j’ai du mal avec les personnes sous substances qui lancent de grands débats moralisateurs, ça n’a aucun sens.
Francois : Absolument, j’ai décidé d’être radical et de ne plus fréquenter des gens qui consomment. Ça ne mène à rien. On vit une époque d’éclaircissement, d’ouverture extrême et à la fois, certaines personnes veulent mettre la poussière sous le tapis ! Ma vision c’est que l’on doit proposer un monde meilleur à travers la poésie, la beauté et l’écologie, la relation de l’homme à la nature. On vit un moment entre la lumière et l’ombre, et je pense qu’il vaut mieux être du côté de la lumière pour avancer et cela nécessite une certaine hygiène de vie. On est aussi dans l’impasse du capitalisme, et de toutes les violences, c’est une fin de règne, et on doit inventer le monde d’après.
Lia : Oui, c’est un peu le serpent qui se mord la queue. Tout semble extrême en ce moment mais peut-être est-ce dû à tout ce dont on a accès ? Beaucoup de vérités éclatent, on assiste à une cacophonie où tout se mélange, je pense souvent à Babel. Pour revenir à la cocaïne, c’est vraiment une drogue de l’impatience, de l’immédiateté, de l’égo-centrisme, je te rejoins dans l’idée qu’elle correspond bien à notre époque. On a de plus en plus de mal à attendre, à patienter, à écouter. Finalement, les cocaïnomanes érigent des murs en béton tout en se pensant ouverts sur l’extérieur.
François : On est dans un moment de révélations très puissant, comme une sorte de grand nettoyage et à la fois de montée de conscience générale, alors ça secoue vraiment et certains ont du mal à suivre donc il est pour eux plus simple de s’anesthésier. Il faut faire confiance à l’univers. Si tout arrive maintenant, c’est qu’il y a une raison. Tout est lié d’une manière ou d’une autre. Je ne pense pas en termes d’optimisme ou de pessimisme, ce serait penser à ma petite échelle. Dans les années 60/70, on regardait vers le futur avec curiosité, on était dans l’anticipation… On vit, aujourd’hui, un moment de peur du futur, sans repères, au bord d’un précipice, comme si on allait tomber ! Alors que même si on ne sait pas ce qui va se produire, on peut être extraordinairement confiant. Il est clair qu’un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse. Il y a des millions de projets positifs qui poussent durablement partout dans le monde sans faire de bruit. Je trouve que c’est une période fantastique, même si elle tumultueuse, je reste vraiment confiant.
Un grand merci à Charlotte Brunet pour cette rencontre <3
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